Notre école souffre de « dogmopathie ». Bonne nouvelle : ça se soigne !

Quel est le constat ?

Notre école est affaiblie par les croyances dogmatiques de ceux qui la font et parfois, la défont. La querelle qui oppose depuis 20 ans les partisans d’une méthode « traditionnelle » aux adeptes des méthodes dites « nouvelles » a conduit à la suppression de la formation de nos enseignants. C’est une insanité. Comment bien former les professeurs de notre pays ? Voilà un enjeu majeur dont les candidats à l’élection présidentielle doivent s’emparer.

Pour faire simple, voici le tableau :

1) On a d’un côté la pédagogie traditionnelle, descendante, qui est celle du savoir, du modèle, de l'autorité, de l'effort, de l'individualisme et de la sanction.

2) De l’autre, la pédagogie nouvelle, qui défend le principe d'une participation active des élèves à leur propre formation et le tâtonnement expérimental comme démarche de progrès.

Les uns ne jurent que par les cours magistraux quand les autres sont convaincus que les acquisitions ne se font pas par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Les IUFM, récemment disparus, incarnaient à eux seuls le conflit qui a toujours existé entre ces deux courants.    

Les ministres de l’Education qui se sont succédé ont malheureusement tous été partisans de l’une ou l’autre des approches. Ce faisant, ils ont fait, défait ou refait les programmes scolaires. A tour de rôle, chaque année et demie (c’est la durée de vie moyenne d’un ministre de l’Education nationale au cours de la Ve république !), nos enseignants ont dû s’adapter. Jusqu’à présent on les formait, mal sans doute, dans les IUFM. Désormais on ne les forme plus. Dans le même temps, on a élevé le niveau de recrutement des professeurs qui doivent désormais avoir validé un master 2 (bac+5).

Meilleurs techniquement mais pas formés à la façon de gérer une classe, préparer un cours ou transmettre un savoir à tous les élèves, nos jeunes professeurs ne sont pas armés pour réussir leurs premières années d’enseignement. Pourtant, il vaudrait sans doute mieux mettre l'accent sur leur formation que de diminuer la taille des classes. L’Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont pour leur part déjà réformé leur système de formation des enseignants afin d'accorder plus de place à l'acquisition de compétences pédagogiques. La Finlande et la Suède l’ont fait depuis longtemps. C’est à notre tour d’inventer pour les futurs professeurs de nos enfants une vraie formation qui s’inspirera autant de la pédagogie traditionnelle que de la pédagogie nouvelle.

Comment changer les choses ?

Dans une classe, un professeur doit enseigner à chacun de ses élèves, quel que soit son niveau ou sa façon d’apprendre. Pour s’adapter à cette hétérogénéité, il doit, en plus de ses connaissances techniques, disposer d’une boîte à outils pédagogique.

Savoir animer un cours magistral structuré, clair et riche en exemples est une composante essentielle qui doit faire partie de la palette de compétences d’un enseignant. Certains professeurs passionnés réussissent à rendre leurs cours passionnants. Les élèves écoutent et prennent des notes car il faut le dire : certains sujets ne s’inventent pas ! Il est illusoire de penser qu’un élève va « réinventer » ou « découvrir par lui-même » l’orthographe, l’Histoire ou la grammaire. En la matière, on sait. Ou on ne sait pas.

Pour autant, on sait bien que les cours magistraux ne vont pas correspondre à certains types d’élèves. Ceux-là, pour bien apprendre, auront besoin d’autre chose qu’une approche descendante. Un schéma synthétique, des jeux ou des exercices pratiques pour mettre en application la notion abordée donneront, avec eux, de bien meilleurs résultats. Sans doute feront-ils plus d’erreurs que les autres ? Et alors ? Certains n’ont-ils pas appris à faire du ski sans avoir pris de cours mais en allant directement défier une piste rouge ? Ils sont certainement tombés à de nombreuses reprises mais c’est ainsi qu’ils ont appris.

Bien former, c’est débord s’adapter. S’adapter à ses élèves, aux contextes, aux modes et aux contraintes. Et comme beaucoup de choses, dès lors qu’on a quelques prédispositions pour cela et qu’on en a envie, devenir professeur s’apprend. C’est la raison pour laquelle nous devons réinventer la formation de nos enseignants :

Non dogmatique, elle présentera les principaux courants pédagogiques. Au lieu de les opposer, elle en dévoilera les avantages et les inconvénients afin de laisser chaque enseignant choisir celui qui convient le mieux à la situation rencontrée.

Concrète, les futurs professeurs pourront, avant de se lancer, passer du temps dans les classes avec plusieurs homologues expérimentés pour observer et mettre en pratique leurs nouvelles connaissances.

Solidaire, elle permettra à chaque nouvel enseignant d’être « mentoré » par deux ou trois enseignants plus expérimentés dans la matière qu’il enseigne.

Ouverte sur le monde, elle proposera des méthodes utilisées aux Etats-Unis (cartes flash, conditions de mise en place du Special Education, intégration des tablettes et des TBI…), en Finlande (MindMapping, double enseignement…), en Grande-Bretagne (intégration de jeux décalés pour stimuler la mémorisation), au Japon (kenkyuu jugyou…) et dans de nombreux autres pays du monde (je suis en train de préparer un blog dédié aux méthodes de travail et d’apprentissage du monde entier, je vous ferai part de son lancement sur mon profil facebook).

Collaborative, elle sera ouverte aux échanges et aux contributions de chacun. Les professeurs pourront partager leurs cours et leurs bonnes pratiques à travers des lieux (online et offline) dédiés.

Evolutive, elle saura donner un cadre sans prétendre à l’exhaustivité.

Plus qu’une question de moyens ou d’effectifs, l’école a besoin de professeurs épanouis, valorisés et bien formés. Faisons confiance à nos enseignants. Donnons à ceux qui débutent des outils pour bien former leurs élèves. Laissons-leur, à tous, plus d’autonomie et de liberté pour qu’ils puissent adapter leurs pratiques aux réalités qu’ils rencontrent sur le terrain. Sortons de notre approche dogmatique et acceptons l’idée qu’il n’y a pas une mais de nombreuses approches pour transmettre un savoir. L’école doit redevenir un lieu d’échange de bonnes pratiques entre les professeurs, une plateforme collaborative vivante dont chacun pourrait se nourrir et que chacun pourrait enrichir. Soyons enfin convaincus que former nos enseignants est un investissement sur lequel repose l’avenir de nos enfants et à travers eux, l’avenir de notre société.  

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